Accueil > Nos Actions > Journal de Bord des Opérations > Congés Sciences Solidaires > Les secrets du Bonobo de Bolobo du 13 au 27 juillet 2024
Introduction
Notre aventure va nous mener dans les forêts tropicales au bord du fleuve Congo.
Cette mission sera l’occasion d’étudier le comportement du Bonobo ainsi que d’étudier la faune locale, de profiter des échanges culturels et de travailler en collaboration avec l’ONG congolaise locale M’Bou Mon Tour qui réalise à l’année un travail incroyable depuis des années pour la gestion communautaire de ces forêts qui abritent une biodiversité remarquable.
Le Journal de Bord
Expédition du 13 au 27 juillet 2024
J-3 : Les deux encadrantes de la mission, Stéphanie et Brenda sont biens arrivées à Kinshasa.
Désormais, ce sont les derniers préparatifs avant que le groupe n’arrive ce dimanche ! Un beau programme s’annonce pour cette aventure exceptionnelle.
Samedi 13 juillet
Arrivée à l’aéroport en plusieurs groupes. Traversée de Kinshasa dans les bouchons de nuit. Avec la pollution, « on a perdu 10 ans d’espérance de vie ». Installation a la mission St Anne. Repas rapide et coucher.
Dimanche 14 juillet
Aujourd’hui Brenda nous propose un atelier scénette dans le jardin, dont le but était de nous familiariser avec l’observation des comportements, humains dans ce jeu pour l’appliquer plus tard pour les bonobos. Attention à ne pas surinterpréter, nous apprend Brenda. Nous avons bien ri, tout en faisant connaissance. Nous sommes dans le quartier des ambassades, et le supermarché dans lequel nous avons fait des achats était très propre. Toutefois, les prix nous ont semblé trop élevés pour le niveau de vie en RDC.
L’après-midi, visite de Kinshasa en voiture qui s’est fini au bord du fleuve comme tout bon congolais de Rdc qui se respecte pour un dimanche après-midi. C’est l’occasion pour chacun de se présenter autour d’une bière locale ou d’une Vital’O.
Lundi 15 juillet
Rendez-vous à 5h30 pour partir en minibus vers le fleuve Congo, embarquement dans la jolie pirogue, construite pour l’expédition, Bonobo IV. Navigation toute la journée !!
Le matin, on profite de la vue sur la navigation : petites pirogues de pêcheurs, gros bateaux surchargés où des personnes peuvent habiter jusqu’à 3mois, … On profite de notre temps libre pour récupérer sur le pont.
Après le repas, Brenda et Stéphanie nous proposent un jeu de quizz sur la connaissance du Congo, du fleuve et des bonobos. Notre grand gagnant : Arnaud. Le jeu suivant nous permet avec des cartes d’approcher la démarche scientifique.
On passe maintenant aux bonobos. Par de nombreuses questions, Brenda nous fait arriver là où nous avons besoin d’arriver, à savoir : la notion de territoire, l’étude des nids ainsi que le budget temps alloué aux différentes activités.
« Félicitations Brenda pour cette approche sous forme de jeu et de question/réponse. C’est une pédagogie qui me plait » nous partagera plus tard Annie.
Sur le pont supérieur, grâce a de super mimes de Brenda et Stéphanie, nous apprenons à utiliser l’application Cybertracker sur le téléphone pour noter les observation que nous ferrons dans la foret.
Après un repas convivial, chacun cherche à installer « son nids » avec moustiquaire, dans le noir et le bruit du moteur, nous continuerons à naviguer jusqu’à minuit.
Mardi 16 juillet
Lever aux aurores, dans un brouhaha de locaux qui vivent leur vie : chargement de pundu, vente de poissons, tout un attroupement d’enfants, … Petit-déjeuner sur le bateau. On attend l’autorisation de débarquer !
Jeep et moto, la troupe part vers la ferme, notre maison d’accueil près de Nkala pour les 4 prochaines nuits. Quel calme, quel havre de paix après le chaos de Kinshasa ! Installation dans les chambres et repas/repos.
Atelier connaissance de la foret : introduction théorique sur le comportement adapté en foret. Puis jeu d’orientation pour se familiariser avec le GPS. Première marche de découverte en foret, et jeu de piste pour retrouver Brenda grâce aux vocalises, « whoop » !!
C’est reparti : tous en jeep, dedans et dessus, vers Nkala, où le chef de village nous accueille avec cérémonie. Nous nous présentons puis il nous bénit en nous souhaitant chance et bonne santé. Tour du village accompagnés d’une nuée d’enfants.
Le pisteur revient avec une bonne nouvelle : demain, direction les bonobos, ils ne sont qu’à 1h de marche d’ici !
Mercredi 17 juillet
Levé prévu à 3h, afin de marcher et de se rapprocher des nids avant le réveil des bonobos. Nous sommes conduits par trois pisteurs qui suivent ce groupe de bonobos chaque jour toute l’année même en saison humide afin de s’assurer de sa bonne santé et de connaître son évolution dans le cadre du projet de conservation. C’est une expérience inédite pour nous de marcher dans la jungle à la frontale tout en tachant d’être discrets et d’éviter les branches, lianes ... On a même traversé la rivière en équilibre sur un tronc d’arbre. Nous sommes habillés en manches longues, guêtres, chapeau, foulard …de manière à se prémunir contre insectes et plantes (comme la lokosa par example). L’heure de marche estimée hier s’est transformée en 2h d’une évolution concentrée. Nous sommes arrivés tout de même juste à temps au site des nids au réveil de nos amis.
Le contact fut bref ce jour ci et fut l’occasion de prendre en main nos outils scientifiques (cybertracker, gps…). Notre démarche consiste en deux étapes. La première est le contact avec les bonobos et le recueil de données selon un protocole précis de scan du groupe afin de décrire la composition du groupe, son comportement (vocalises, déplacements, alimentation, agression, jeux, sexualité…), la différence de temps alloué à chaque activité entre mâles et femelles notamment. Cette étape peut durer jusqu’à 2h30, mais cette fois, les bonobos sont allés rapidement au sol et sont partis poursuivre leur journée sans nous. La deuxième étape de notre démarche est d’étudier les nids dans lesquels ont dormi les bonobos, en manipulant données GPS, hauteur, circonférence de l’arbre, type d’essence, configuration du nid et autres particularités pouvant enrichir nos connaissances sur cet animal. Pour cela nous pouvons d’ailleurs compter sur Brenda et les pisteurs.
Au retour, nous posons un piège photo en espérant voir d’autres espèces dans cette forêt étonnamment silencieuse. On a quand même pu entendre certains d’oiseaux dont un calao au cri si caractéristique.
Et après cette longue et éprouvante matinée, le repos est bien mérité ! La chaleur nous invite à la sieste bien qu’elle soit plus supportable que ce que nous pensions. Elle commence à décliner à « l’heure des bonobos », lorsque le soleil devient rouge et qu’ils commencent à faire leurs nids.
Participation aux scènes de vie locales.
Jeudi 18 juillet
Par chance, les bonobos sont vraiment proches aujourd’hui et nous permettent un réveil tardif à 3h40 !
Nous arrivons cette fois en avance pour nous asseoir à proximité du site des nids et attendre les premiers bruits, premières urines, premières vocalises. Moment magique traversé par les chants des calaos, un peu troublé par les bavardages des pisteurs.
L’observation est bien plus riche que la veille : nous discernons mieux les individus et leurs agissements, différents types d’échanges vocaux et de jeux. Nous avons la chance d’observer une mère et son petit accroché à son ventre escalader un tronc d’arbre, suivie de deux juvéniles. On a pu les suivre à distance pendant deux heures en se frayant un passage à la machette dans une végétation très dense. Retour à pied jusqu’au dispensaire où nous ouvrons la discussion avec le médecin et sympathisons avec les enfants tous nés ici.
Après le repos post prandial, Brenda nous propose un nouvel atelier sur la phylogénie sous forme de jeux. Le premier a permis de réfléchir aux différentes manières de classifier les êtres vivants utilisées par les Hommes au fil des siècles. Puis nous avons replacé différents singes sur l’arbre phylogénétique tel que la science le construit aujourd’hui.
Nous enchaînons en rédigeant ce journal de bord car demain, nous partons pour un autre camp où nous dormirons en bivouac, et nous ne serons pas en capacité de mettre à jour nos nouvelles jusqu’au mardi 23. A bientôt, pour de nouvelles aventures !
Vendredi 19 juillet
Après un petit déjeuner à base de Makemba (bananes plantains frites), nous préparons nos affaires pour notre séjour en bivouac. La jeep démarre grâce à quatre hommes qui la poussent. Direction le village de Nko afin de rencontrer le chef de Terre pour une nouvelle cérémonie d’accueil et d’entrée dans la forêt. Il est aussi satisfait qu’honoré de nous accueillir à l’instar de son homologue de Nkala. Nous lui témoignons en retour notre reconnaissance. L’équipe est en joie de partager ces moments avec eux en espérant que notre aide sera utile pour les aider à préserver le trésor que sont les bonobos de leurs forêts.
Les villageois nous entourent et écoutent de façon très attentive et concernée les présentations de chacun. Nous reprenons la jeep pour le village de Bodzuna. Nouvelle cérémonie avec le chef, jeune et sympathique, qui, malgré que ce jour soit sacré et interdise l’entrée dans la forêt, nous donne sa bénédiction. Nous le suivons pour une visite guidée de ce bel endroit à la propreté remarquable et où nous constatons que l’argent versé pour les villages participant à la forêt communautaire est correctement investi pour le bien de commun.
Une fois de plus serré dans la jeep pour le dernier tronçon, nous partageons nos aventures de voyage toutes plus incroyables les unes que les autres. Il faut dire que nous formons une équipe de 10 voyageurs (en comptant Stéphanie et Brenda) intrépides et atypiques : 30 pays visités pour l’un, 70 pour l’autre et pour chacun des anecdotes rocambolesques tant aériennes, que terriennes, aquatiques, animalières... c’est néanmoins les récits des interactions avec l’humain qui laissent place aux scènes les plus hardies et tragiques. Comme une évidence, nos expériences respectives avec OSI animent aussi nos échanges.
Après la très attendue traversée à pied d’une zone marécageuse, nous parvenons à la ferme de Lempu dont les habitants nous accueillent avec la même dévotion. Ce lieu est une véritable oasis de tranquillité enlacé par une forêt dense. Alors que certains choisissent d’installer leur couchage dans une maison en terre, d’autres s’accommodent du confort d’une tente. Les vaches viennent observer nos installations pendant que les enfants jouent. Le groupe s’affaire pour la gestion de l’eau qu’il faut aller puiser dans la rivière puis filtrer. Maman Monique nous accueille chaleureusement pendant que nous observons la construction habile d’une table en bambou pour nos repas. D’ailleurs des chenilles encore vivantes semblent appétissantes ... nous dirons demain si elles ont été goutées.
Un passage de Calaos vient sublimer la vue d’un soleil rougeâtre : la journée touche bientôt à sa fin. Nous attendons les pisteurs pour savoir quel groupe de bonobos nous pourrons rejoindre demain. Ce n’est encore cette nuit que nous dormirons à la belle étoile car le ciel reste très voilé depuis notre arrivée au Congo
Samedi 20 juillet
Réveil très précoce car les bonobos sont loin. Malgré la fatigue, tout le monde va bien et reste enthousiaste pour une nouvelle observation. Il nous faut retraverser le marécage de nuit, faire un long trajet remuant en jeep et marcher dans les pas de nouveaux pisteurs très professionnels.
Attente. Vocalise. Mouvements dans la canopée que nous scrutons à l’œil nu. Apparitions discrètes et progressives des bonobos. Observation aux jumelles. Émotions toujours.
Recueil des données pour le protocole de comportement.
Fin de contact : le recueil de données s’arrête et nous pouvons retirer le masque chirurgical que nous portons en accord avec un protocole éthique d’observation des grands singes qui vise à éviter les transmissions infectieuses respiratoires, nos patrimoines génétiques étant très proches.
Nous récoltons peu de données aujourd’hui mais nous notons un fait intéressant ! Les bonobos de cette région semblent évoluer majoritairement dans les arbres alors que les autres communautés (celles du nord du pays) mieux connues, descendent rapidement au sol où elles passent la majeure partie de la journée avant de reconstruire leurs nids en hauteur à la tombée du jour. Il y aurait plusieurs hypothèses à cette différence de comportement. L’une d’elle est le fait que la forêt a été entièrement braconnée, les bonobos représentent la dernière grande espèce. Le danger venant du sol, ils auraient appris à rester tant que possible dans les arbres. Protocole des nids.
Sur le chemin du retour, nous croisons des femmes revenant du champ de manioc et d’autres partant à la pêche. Nous traversons la savane qui est alors le siège de brûlis, des feux créés volontairement pour peut-être éviter les feux naturels et modifier la végétation. D’après l’agronome locale, cette pratique n’est pas forcément judicieuse. L’image est très impressionnante et le danger, possible.
Au repas, il reste quelques chenilles. Réponse au suspens d’hier soir : quatre participants ont goûté, trois ont été écœurés, un a aimé !
L’atelier de l’après-midi a permis de répertorier les différences entre chimpanzés et bonobos qui font partie du même genre : Pan. Le nom scientifique du bonobo est Pan paniscus. Les différences se classent au niveau morphologique, social, géographique…
Par exemple, le chimpanzé est connu pour utiliser des objets et la « pharmacie » naturelle vaste qui l’entoure. Le bonobo utilise peu d’objet et peut se soigner en utilisant la lokosa dont nous parlions plus haut (une plante irritante pour nous, potentiellement anti-parastaire pour les bonobos). De plus, on peut aussi citer la différence de dominance : dominance mâle chez les chimpanzés et femelles chez les bonobos.
Dimanche 21 juillet
Une partie de Mikado géants nous permet de constituer deux groupes afin de retransmettre aux villageois de Lempu et de Nkala notre expérience sous forme de posters. Nous commençons à réfléchir aux messages que l’on veut faire passer et aux moyens de communiquer efficacement, en tenant compte du fait qu’ici, les personnes sont avides et très en joie de se voir en photo, et que la barrière de la langue freine souvent la compréhension.
Séance de Qi gong avec Pascal.
Maman Monique, infatigable, nous invite dans sa cuisine pour observer la préparation du chikwangue à partir du manioc fermenté puis, nous emmène à la rivière pour pêcher. La technique nous surprend tous et nous questionne pour l’énergie dépensée pour la récolte. Il s’agit en effet de former des barrages pour créer des bassins puis d’écoper en jetant l’eau du bassin dans un panier tressé qui filtre les petits poissons. On fouille aussi dans la vase et sous les racines pour les attraper. Quelle chance nous avons de pouvoir participer à ces activités traditionnelles authentiques !
Joël, qui prépare aussi nos repas, nous propose une marche dans la savane encerclée de jungle. Ici, le brûlis qu’ils pratiquent sert à la pâture des bœufs de la ferme, qui préfèrent les herbes courtes. On aperçoit au loin dans la canopée de petits singes ressemblant à des mangabeys et une immense termitière où les boas font leurs nids. L’endroit est de toute beauté et nous donne cette merveilleuse sensation d’être en sécurité dans un pays comme la RDC.
Nous nous couchons comme tous les jours, vers 19h30 après avoir admiré une magnifique pleine lune rouge.
Lundi 22 juillet
Ce jour débute par la dégustation d’une délicieuse pâte d’arachide maison toute fraîche qui n’aura pas d’équivalent.
Un groupe se lève à 2h30 pour nouvelle observation de bonobos qui s’avérera exceptionnelle : grâce à un groupe restreint et des pisteurs très silencieux, nous avons pu nous placer au centre de trois groupes de primates. L’un refaisait ses nids en craquant des branches, l’autre s’alimentait sur un arbre gorgé de fruits. C’est la première fois que nous témoignons de scènes sexuelles (de régulation sociale et de partage de nourriture) qui font la réputation des bonobos, ainsi que d’épouillage (qui régule les rapports entre individus). Deux heures de bonheur !!
Le groupe qui est resté au camp en profite pour une marche en solitaire ou pour se réveille en douceur avec une séance de yoga menée par Stéphanie. Avec une admirable pédagogie, maman Monique nous montre la culture du manioc dans son champ, et la première étape de fabrication du chikwangue à partir des tubercules ayant trempé 4 jours dans un étang.
Nous restituons le poster de notre expérience à Lempu à la famille. Nous avons choisi de les représenter en dessinant le village au centre de la forêt de façon très visuelle en incluant dessins, polaroïds, et feuilles. Le message passe très facilement. Les enfants commentent le poster. Nous avons l’impression d’avoir atteint notre but. Une participante organise une distribution de « médailles » aux enfants en les nommant « gardiens de la forêt ». Cette petite cérémonie ouvre une session de danse tous ensemble sur de la musique africaine.
Après dîner, Brenda nous entraîne dans un nouvel atelier : elle nous fait écouter des vocalises de primates et autres animaux que nous devons deviner. Nous réalisons que nous n’écoutons pas assez la nature et que le paysage sonore est d’une diversité et d’une richesse inestimables.
Mardi 23 juillet
On sent la fin du voyage approché, comme après avoir franchi un point culminant et que la descente s’amorce. Nous sommes tous émus de quitter cette ferme si paisible, coupée de tout, où nous avons pu nous déconnecter et vivre sur un tout autre rythme.
Nous devons rentrer à la ferme de Mbou Mon Tour. Dû à un souci de communication (car nous n’avons ni téléphone ni internet et les informations passent grâce aux déplacements humains), nous ne partons de Lempu qu’après 11 h au lieu de 9h. Nous retournons à Nko pour rencontrer le chef de la chefferie et chef coutumier de tout le territoire Nord des Batékés, la tribu de cette région. Il nous rappelle solennellement qu’on ne rentre pas tout bonnement dans la forêt, qu’il faut avoir sa permission et sa bénédiction. Il semble reconnaissant de notre présence qui dynamise la vie locale et préserve la nature à laquelle il tient. Puisqu’il n’avait pas pu être présent à notre arrivée, il souhaite venir demain nous voir avant notre départ.
L’après-midi est consacrée aux lessives tant attendues, « vraies » douches cheveux compris ! Nous ne vous avons pas raconté comment nous nous lavions à Lempu : l’eau de la rivière étant très trouble, nous la filtrions avec une pompe filtrante en remplissant une poche de 10L. Suspendue à un pan de bois dans un hutte en béton, nous ouvrions un robinet délivrant un frêle filet d’eau qu’il s’agissait de rationner pour limiter la corvée. Les fourmis nous coulaient aussi volontiers dessus en même temps (pour les malchanceux).
Après nos lessives respectives à la main, place à la session de restitution des données collectées sur l’application Cybertracker. Une fois les données téléchargées et envoyées au logiciel principal, nous découvrons leur intégration et leur classement dans un tableau EXCEL. Cela nous a permis de visualiser la localisation des nids et de la trace GPS à travers la forêt et de débuter une cartographie. Nous nous rendons compte de l’énorme travail qu’il reste à faire pour extraire les données importantes et synthétiser les informations.
Le dîner, festif, est composé des habituelles casseroles locales (pundu, sardines, riz) et de spécialités que nous avons apportées. Je note sous la dictée de mes covoyageurs : « orgie » de biscuits apéro et de sucre, avec le plaisir de rompre la monotonie variée des repas. Ce dîner est un vrai réconfort à ce stade du voyage.
Innocent, le coordinateur de l’ONG Mbou Mon Tour vient à nous pour nous raconter l’histoire du projet « Bonobo de Bolobo » et de l’ONG, entretien qui n’a pas pu avoir lieu comme prévu à notre arrivée. C’est l’occasion de resituer les choses dans ce journal, donc nous allons vous raconter l’essentiel.
Il existe une légende locale. Les bonobos sont des humains qui avaient contracté des dettes envers les créanciers et étaient donc condamnés à l’esclavage jusqu’à remboursement. Pour éviter ce châtiment, ils ont quitté les villages pour la forêt. Ils sont donc considérés comme les cousins des humains.
Le discours d’Innocent, bras droit du président de l’ONG, nous conforte et rassure sur l’utilité de notre présence ici. Notre rôle tant sur le plan scientifique qu’humain est reconnu. Nos données de cartographie pourront servir aux pisteurs et aux expéditions futures ainsi que pour mieux connaître les territoires de répartition des bonobos et leur évolution. Les données pourront être partagées avec des chercheurs travaillent aussi sur ces sites. Notre approche sur le long terme est rare et donnera la possibilité de découvrir toujours plus sur les différentes communautés de bonobos.
Mercredi 24 juillet
Ce matin, un groupe retourne dans la forêt dans le but de récupérer le piège photo posé une semaine plus tôt. Sur le chemin, nos avons découvert une construction servant à cuire les briques façonnées à partir de la terre locale. Nous profitons de cette dernière marche en forêt avec émotion. Je comprends l’attachement que l’on peut éprouver pour la marche en jungle, qui demande une attention particulière tant aux pieds qu’à la tête, le franchissement de tronc, l’évitement de branches. Nous progressons dans la densité végétale, avec l’émerveillement de se sentir minuscules au milieu d’arbres immenses dont les feuillages impriment de délicats motifs sur le ciel tamisé. Pas de singes, pas d’animaux hormis une énorme araignées bleu et rouge dont la toile jaune et gluante laisse un souvenir désagréable à celle qui ouvrait la marche. Sur le chemin du retour, nous choisissons la mauvaise voix, ce qui permettra de découvrir un ruisseau où pourra être posé le piège photo d’une prochaine expédition. Malheureusement, pour des raisons inconnues, le nôtre n’a récolté aucune donnée, comme s’il avait été éteint. La déception est grande tant nous espérions être témoin du retour de mammifères dans cette partie de la forêt où on ne chasse plus. En lisière de forêt, nous notons avec tristesse que la savane a encore été brûlée et qu’il ne reste qu’un tout petit bout encore vert.
Innocent nous a aussi éclairé sur ce phénomène. Contrairement à ce que l’on disait plus haut. L’agriculture sur brûlis est certes une tradition, mais elle ne suffit pas à tout expliquer. Il semblerait qu’une grande partie des épisodes soient accidentels, par l’abandon de mégots dans les herbes sèches ou par une habitude locale. Le samedi, lorsque les hommes rentrent de la chasse et les femmes de la pêche, ils et elles ont coutume de manger une partie de leur butin en le cuisant directement sur le feu. Un mauvais contrôle du feu, un vent imprévisible suffisent à attiser les flammes qui envahissent toute la parcelle de savane. Des cendres éparses nous arrivent encore pendant plusieurs jours.
Le chef de la chefferie nous rends visite pour converser plus amplement. Il nous explique qu’ici, pour réguler une situation sociale ou instaurer un changement, on procède grâce à beaucoup de discutions avec les villageois. On ne fait jamais la morale, on n’impose pas un comportement, on tâche d’impliquer à la population en lui faisant comprendre tous les avantages de ce changement. De manière général, le Congo demande beaucoup de patience et de négociation, mais il y a toujours une solution à chaque problème.
Il était prévu de se rendre à Nkala à 14h pour partager un temps de danse avant de reprendre une dernière fois la jeep pour retrouver, la pirogue au port. Mais les femmes sont au champ, elles rentrent à 17h. Elles sont à la pêche, elles rentreront vers 19h. Tout le programme est chamboulé et l’imprévu rythme une fois de plus cette journée. L’attente et l’inconnu, deux éléments indissociables du quotidien congolais que nous apprenons à accepter. Les temps de rien ont beaucoup à nous apprendre.
Nkala, de nuit. Femmes et hommes nous accueillent au son du tambour, chantant et dansant pour nous la chanson de la légende des bonobos. Il s’agit de la danse par laquelle les populations sensibilisent et transmette la cause des bonobos aux villages plus éloignés. L’entrée de la danse d’un participant à électrisé tout le village et même le chef, tout sourire. Cela me rappelle que nous sommes tous sain et sauf au moment de dire au revoir à ces terres. Peut-être que les bénédictions des chefs qui ont enduis nos bras de craie et d’ocre ont garantie notre santé.
Moment magique que l’ambiance nocturne intensifie.
On nous dit qu’il faut gagner la pirogue rapidement pour cause de météo. Nous n’avons malheureusement pas le temps de danser avec les villageois et de restituer le poster comme prévu. Chacun cherche sa position plus ou moins contorsionnée dans la jeep exiguë et nous reprenons la route.
Minuit : nous installons nos couchages sur la pirogue.
Jeudi 25 juillet
La navigation de nuit étant interdite, nous aurions dû partir au matin pour gagner le port de Maloku à 11h et retrouver Ste Anne à Kinshasa vers 12... mais la force des vents contraires nous oblige à naviguer de nuit. Nous sommes partis à une heure du matin, arrivée à Maloku à 15h. A Kinshasa à 19h. Que s’est-il passé ?
Les vents contraires ont freiné la pirogue sur ce fleuve large et profond qui connaît parfois des tempêtes. Des courants trop forts nous forcent à accoster !! Comme nous naviguons plus proches des côtes du Congo-Brazzaville qui sont plus sécures que les côtes de RDC en cas de problème, nous accostons « illégalement » au Congo et sautons allègrement sur une magnifique plage de sable fin, avec un joyeux sentiment de liberté. 5 participants ont l’audace de se baigner dans le fleuve malgré le risque possible de présence de crocodile. Pendant ce temps, Brenda et Stéphanie sont aux aguets et nous recommande justement plus de discrétion après ce petit plaisir tant attendu de gouter l’eau du Congo.
Dernières images du Congo naturel avant le retour à la civilisation, sous un soleil radieux.
Embouteillages dans la chaleur polluée de Kinshasa.
Vendredi 26 juillet
Départ pour le sanctuaire Lola ya bonobo qui recueille les orphelins de bonobos braconnés et permet à certains individus de retourner en liberté après quelques années.
Une nouvelle aventure nous attend : nous ensablons les roues du minibus sur une route couverte d’une épaisse couche de sable. On déblaie, on pousse, on fait chauffer l’embrayage... OUFFF !! Reste à répondre aux personnes qui ont plus ou moins aidé et demandes quelques dollars en contrepartie.
Visite de Lola ya bonobo : un havre de paix au milieu du chaos de Kinshasa ! un lieu hors du temps et de la pollution dans lequel on se sent bien. L’Energie y est presque magique d’un point de vue flore et aménagement, même si ce lieu ne devrait pas exister. Mais c’est un endroit indispensable pour nos cousin traumatisé, pour qu’ils puissent guérir, tout du moins, se sentir sécurisé. La réintroduction sur une île spécialement aménagée pour les bonobos qui peuvent enfin sortir de ces murs et grillages donne un espoir de sauvegarde et de conservation de ces grands primates qui font partis de notre famille.
Puisse ce paradis d’aide et de soin perdurer jusqu’à ce qu’il ne soit plus nécessaire !!
Le bonobo ressemble à l’humain sans être nous. C’est ce qui le rend fascinant. Il est comme nous, sans notre pouvoir de nuisance et de destruction. Il est parfois si proche physiquement, qu’il pourrait certaine fois être difficile à distinguer (la posture, la gestuel, le comportement, la bipédie pour certains).
Samedi 27 juillet
3 participants ont déjà repris l’avion. Nous profitions des dernières heures au marché des tissus ou achats de miel de la forêt équatoriale. Jean-Christophe le président Mbou mon tour nous fais l’honneur de venir nous rencontrer. Il nous rappelle l’histoire et les valeurs de l’ONG, ainsi que la complexité d’un tel projet de conservation pour que la population se sente impliquer et gagnante aussi. Le but ne sera jamais d’habituer tous les bonobos de la région, seulement quelques groupes afin de continuer a étudier les différence entre groupe semi-habituer et sauvage, et de les protéger des épidémies. Se sentir utile à cette généreuse et audacieuse démarche est très gratifiante pour nous !
Pour notre dernier repas congolais, nous découvrons un plat traditionnel à base de haricots et de feuilles de manioc, délicieux !!!
Pour l’aéroport, nous avons fait un arrêt au marché artisanal puis le reste du groupe s’est scindé et le voyage s’achèvera après quelques heures de vol et de train.
Nous resterons liés par ce récit si difficile à expliquer, partagé, lié par les saveurs et toute l’histoire plus grande que nous qui continue de s’écrire autour du projet et des bonobos.
Tout le monde a rejoint son nids sain et sauf Merci encore a tous pour votre participation. C’est grâce à vous qu’un tel projet puisse s’inscrire dans la durée.
Retransmission
Plus de souvenirs avec notre album photos du séjour sur OSI photo.
INFORMATION IMPORANTE : si vous n’avez pas d’information pendant quelques jours sur le journal de bord, pas de panique !
Il arrive parfois que la connexion en locale soit trop faible, ne fonctionne pas correctement ou encore que pendant plusieurs jours, l’équipe soit prise par l’expédition et qu’on oubli de donner des nouvelles... Oups !
Dites vous bien que s’il y avait un soucis avec un membre de l’équipe, ses proches en seraient les premiers avertis et donc le vieux proverbe « pas de nouvelle, bonne nouvelle » est tout à fait applicable ici !